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Premier client du coton africain, le Bangladesh n’arrive plus à se faire livrer

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Boudé par les compagnies maritimes, qui profitent de la flambée du coût du transport pour renégocier à la hausse leurs contrats avec les opérateurs de conteneurs, Dhaka risque de devoir réduire les cadences de ses filatures, faute d’approvisionnements suffisants venus d’Afrique de l’Ouest.

Les négociants de coton du continent – dont la récolte s’achève en fin d’année en Afrique de l’Ouest – ont actuellement toutes les peines du monde à expédier leurs cargaisons au Bangladesh. Or ce pays d’Asie est le second importateur mondial d’or blanc, avec1,8 millions de tonnes entrées entre novembre 2020 et octobre 2021, juste derrière la Chine (2,3 millions de tonnes sur la même période). Dhaka est aussi et surtout le premier client du coton africain, qui représente plus de 40 % des approvisionnements de ses filatures

Des négociants à qui on refuse le transport
Plusieurs négociants de taille moyenne – africains et européens – se plaignent de se voir carrément refuser le transport par conteneur de leurs balles de coton depuis les ports de Lomé, Cotonou, Douala et Kribi jusqu’à celui de Chittagong, principale porte d’entrée du coton africain au Bangladesh.
Les grands noms du négoce de coton (dont Louis Dreyfus Co et Cargill), qui sont en pleine renégociation de leurs contrats annuels de transport (dans le courant de mars à février), obtiennent toujours de la place à bord des navires-conteneurs d’Afrique de l’Ouest à destination de l’Asie, du fait de leurs volumes importants. Mais ils doivent accepter les substantielles augmentations de tarifs par rapport aux années précédentes que leur soumettent les compagnies maritimes – dont CMA CGM, Maersk et MSC, leaders sur le créneau Afrique-Asie.

Les compagnies maritimes négligent le coton
Selon le cabinet d’analyse spécialisé Alphaliner, la capacité conteneur sur les côtes africaines a fondu : elle ne représente plus que de 6,4 % de la capacité mondiale, contre 7,5 % l’année précédente. Du fait de la raréfaction des conteneurs disponibles au départ du continent et à destination de l’Asie, les représentants des compagnies maritimes sur le continent négligent le transport de certaines matières premières – dont le coton -, notamment lorsqu’il est négocié sur le marché spot (au coup par coup) au profit du convoyage de marchandises de plus grande valeur, plus rémunérateur.
Souci supplémentaire, le Bangladesh ne peut être desservi en direct depuis l’Afrique de l’Ouest : une opération de transbordement est nécessaire à Singapour, Kuala Lumpur ou Colombo, ce qui complexifie l’organisation de la logistique des conteneurs de coton africain et allonge les délais de livraison. Enfin, les infrastructures du port de Chittagong sont vieillissantes et sous-dimensionnées par rapport aux besoins des industriels textiles du Bangladesh, ce qui ralentit l’entrée et le déchargement des navires de coton. La construction d’un port en eau profonde, permettant un approvisionnement en direct depuis l’Afrique, par des navires de grande taille, est attendue par les industriels du textile bangladais, mais celle-ci ne débutera pas avant 2025.

Des filatures en situation critique
En attendant, la situation devient critique pour ces piliers de l’économie nationale que sont les filatures, dont le chiffre d’affaires annuel conjoint atteint les quelque 8 milliards de dollars. Le 14 janvier, Mohammad Ali Khokon, le président de la Bangladesh Textile Mills Association (BTMA) a averti les autorités de son pays que, faute d’une solution pouvant faciliter et fluidifier les importations de coton, les filatures allaient devoir réduire drastiquement leurs productions dès mars 2022. Selon la BTMA, il faut actuellement plus de six mois pour faire venir le coton dans le pays après l’ouverture
d’une lettre de crédit par un industriel textile bangladais au bénéfice d’un négociant. Les traders de coton africain accusent actuellement des retards de deux à quatre mois sur les calendriers de livraison qu’ils ont promis à leurs clients du Bangladesh.

À Dhaka, le coton africain est jugé de bonne qualité, notamment par rapport à celui importé d’Inde, autre grand fournisseur du Bangladesh, qui souhaite en limiter ses exportations pour privilégier le développement de sa propre industrie textile. Il est impossible aux filatures de changer d’origine d’approvisionnement du jour au lendemain, les métiers à tisser nécessitant des réglages complexes propres à chaque type de coton. Selon les industriels du textile bangladais, leur pays continuera bon an mal an à s’approvisionner en coton d’Afrique de l’Ouest au moins pour un tiers de ses besoins. Dans cette impasse, favorable aux plus grands négociants ayant les meilleures relations avec les compagnies maritimes, les acteurs plus petits cherchent à se regrouper pour affréter des bateaux en commun. D’autres réfléchissent carrément à revenir à un transport du coton par des navires-vraquiers dont la disponibilité est plus importante que les transporteurs de conteneurs, un mode de transport progressivement tombé en désuétude depuis une dizaine d’années.

Source : africaintelligence.fr